by David Korzinski | January 16, 2023 10:18 am
This report is also available in English[1].
Le 11 janvier 2023 – Puisque la tendance mondiale est d’atteindre la carboneutralité et de s’éloigner des combustibles fossiles, dont les prix fluctuent avec les guerres dans le monde, plusieurs pays, dont le Canada, envisagent de nouveau l’option nucléaire.
Présentée comme une source faible d’émissions de gaz à effet de serre[2] et un bon moyen de se protéger contre l’instabilité des prix des combustibles fossiles[3], l’énergie nucléaire est redevenue à la mode après une année marquée par les chocs pétroliers.
Selon de nouvelles données fournies par l’Institut sans but lucratif Angus Reid, le soutien des Canadiens envers l’énergie nucléaire est croissant. En juin 2021, la moitié d’entre eux (51 %) affirmaient être en faveur du développement de la production d’énergie nucléaire au pays. Cette proportion est maintenant passée à près de trois répondants sur cinq (57 %).
Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima, survenue il y a plus d’une décennie, la tendance mondiale fut de s’éloigner de l’énergie nucléaire[4]. En 2012[5], le Québec a déclassé son unique centrale nucléaire et en 2020, l’Ontario a eu l’intention de mettre fin à l’exploitation de sa centrale de Pickering, mais ce projet est maintenant reporté à plus tard[6].
La proximité est un facteur clé : l’on n’a qu’à penser à Fukushima en 2011 ou encore à la catastrophe de Tchernobyl en 1986, où une zone de plus de 4000 kilomètres carrés entourant la centrale fut irradiée[7] et est encore majoritairement condamnée. Malgré cela, deux Canadiens sur cinq (43 %) se disent à l’aise à l’idée qu’une centrale nucléaire soit en opération dans un rayon de 50 km de leur demeure. Lorsqu’on augmente cette distance à 500 km, cette proportion passe à 58 %. 59 % des répondants seraient à l’aise si une centrale était en opération quelque part dans leur province.
De plus, les données recueillies démontrent un fort sentiment de soutien chez les Canadiens pour le développement de l’énergie solaire (81 %) et éolienne (74 %). L’appui face au développement du pétrole brut est plus faible sur le plan national (50 %), mais il est assez élevé dans les régions où il représente un pilier économique important, comme l’Alberta (75 %), la Saskatchewan (72 %) et Terre-Neuve-et-Labrador (72 %).
À propos d’ARI
L’Institut Angus Reid (ARI) a été fondé en octobre 2014 par le Dr. Angus Reid, enquêteur et sociologue. ARI est une fondation de recherche nationale sur l’opinion publique sans but lucratif et non partisane, créée afin de faire progresser l’éducation par la commission, la réalisation et la diffusion de données statistiques impartiales et accessibles au public, d’enquêtes et d’analyse des politiques sur des sujets tels l’économie, les sciences politiques, la philanthropie, l’administration publique, les affaires domestiques et internationales, ainsi que d’autres enjeux socioéconomiques importants au Canada et à son peuple.
En raison de son faible taux de population, l’établissement d’échantillons discrets sur plusieurs vagues ne fut pas possible pour l’Île-du-Prince-Édouard. Les données concernant cette province ne sont donc pas publiées.
La production d’énergie nucléaire fait partie de la panoplie énergétique du Canada depuis le début des années 1960. Il existe actuellement quatre centrales nucléaires en opération au pays, réparties sur deux provinces : trois en Ontario et une au Nouveau-Brunswick. Selon la Régie de l’énergie du Canada[8], ces quatre centrales fournissent 15 pourcent[9] de toute l’électricité produite au Canada.
La crise énergétique mondiale, causée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a augmenté l’intérêt général envers l’énergie nucléaire[10]. Cette source d’énergie est également perçue par plusieurs comme étant « d’une importance critique [11]» dans la lutte pour atteindre les cibles de carboneutralité établies par l’administration américaine Biden et l’Agence internationale de l’énergie. Le Canada est de cet avis [12]et, dans cette même veine, le gouvernement fédéral a annoncé l’an dernier qu’il investirait 1 milliard de dollars dans la construction de petits réacteurs modulaires.
Cependant, il existe des préoccupations importantes quant aux centrales nucléaires vieillissantes du Canada. Tous les réacteurs nucléaires du Canada ont été construits entre les années 1960 et 1990 et plus de la moitié ont dépassé leur durée de vie[13] planifiée de 30 ans. De plus, des préoccupations persistent par rapport au stockage des déchets nucléaires, qui doivent être isolés pendant des centaines d’années[14]. Le Canada a généré 2,5 millions de mètres cubes[15] en déchets radioactifs de par sa production d’énergie nucléaire, dont 99 pourcent sont qualifiés comme étant faiblement radioactifs[16]. En ce moment, les déchets nucléaires sont entreposés[17] dans sept installations au pays, situées au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. La plupart sont à proximité de réacteurs nucléaires actifs ou inactifs.
Près du double des Canadiens qui s’opposent à l’expansion de l’énergie nucléaire au pays sont en faveur de celle-ci (57 % en faveur, 30 % contre). Les citoyens des deux provinces abritant les centrales nucléaires en opération au pays appuient majoritairement cette initiative : 70 % des Ontariens et 63 % des Néo-Brunswickois sont en faveur. En outre, ces deux provinces ont commencé à explorer le déploiement de « petits réacteurs modulaires »[18], tout comme la Saskatchewan et l’Alberta, deux autres provinces où le taux d’approbation face à l’expansion nucléaire est élevé (73 % et 71 %, respectivement).
L’opposition face à l’augmentation des initiatives nucléaires est la plus forte au Québec (56 %), province ayant déclassé sa seule centrale nucléaire en 2012[19].
En raison de son faible taux de population, l’établissement d’échantillons discrets sur plusieurs vagues ne fut pas possible pour l’Île-du-Prince-Édouard. Les données concernant cette province ne sont donc pas publiées.
Les répondants ayant voté pour le Parti conservateur sont plus enclins à soutenir le développement des initiatives nucléaires (73 %) que ceux ayant voté pour le Parti libéral (54 %) ou le NPD (56 %). Néanmoins, plus de la moitié des répondants ayant voté pour ces deux partis en 2021 croient que l’on devrait augmenter les initiatives en matière d’énergie nucléaire au Canada :
Les hommes, surtout ceux âgés de 18 à 34 ans, sont beaucoup plus en faveur de l’expansion de l’énergie nucléaire au Canada que les femmes. En effet, les femmes de tous âges sont divisées sur la question. Ce fossé existant entre les genres à propos de l’énergie nucléaire peut être observé dans l’opinion publique depuis les années 1970[20].
Au cours de l’année 2022, on a vu augmenter une certaine appréciation du potentiel qu’offre l’énergie nucléaire, après la période de déclin[21] de l’industrie ayant suivi la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. Cette année-là, un tsunami avait causé un accident nucléaire à la centrale de Fukushima, au Japon. Par la suite, plusieurs pays, dont le Japon et l’Allemagne, avaient commencé à réduire[22] leur production d’énergie nucléaire. L’Ontario avait, elle aussi, eu l’intention[23] de mettre fin à l’exploitation de sa centrale de Pickering, mais ce projet fut ensuite reporté à plus tard[6].
En 2022, le choc pétrolier engendré par l’invasion de l’Ukraine par la Russie a amené certains pays à retarder ou reconsidérer l’abandon progressif du nucléaire[24] qu’ils avaient envisagé. Comme plusieurs pays se sont fixé un objectif d’émissions de gaz à effet de serre nulles, l’option nucléaire en tant que source d’énergie à faible taux d’émission[25] est très attrayante.
Dans ce contexte, le soutien de la population canadienne envers l’expansion de l’énergie nucléaire affiche une croissance de six points de pourcentage depuis les18 derniers mois (passant de 51 % à 57 %). Pendant cette période, le soutien envers une augmentation de l’offre énergétique provenant d’autres sources, comme le pétrole et le gaz, le charbon ou l’électricité solaire et éolienne, est resté assez stable :
Depuis les débuts de la production d’énergie nucléaire, seulement deux événements ont été définis comme étant des « accidents majeurs » selon l’Échelle internationale des événements nucléaires[26] : celui de Tchernobyl en 1986 et celui de Fukushima en 2011. Deux accidents sur le continent nord-américain ont reçu une cote moins élevée sur cette échelle [27]: un accident à Chalk River en Ontario, en 1952 et la fusion partielle du cœur d’un réacteur de la centrale de Three Mile Island, en 1979.
À la suite de la catastrophe de Tchernobyl, une évacuation initiale[28] d’environ 30 kilomètres aux alentours de la centrale fut nécessaire. Pour le cas de Fukushima, l’évacuation fut moins large[29], de 20 kilomètres. Les deux accidents ont engendré des zones d’exclusion existant jusqu’à ce jour [30]: celle aux alentours de Tchernobyl couvre 4143 kilomètres carrés et est beaucoup plus grande que celle de Fukushima, qui est de 207 kilomètres carrés. L’accident de Tchernobyl a entraîné la mort de 30 personnes sur le coup et de 60 personnes de cancers provoqués par la radiation. En 2005, un rapport contesté de l’ONU sur le cas de Tchernobyl a estimé que 4000 personnes sont décédées[31] à la suite de difficultés liées à cette catastrophe dans les années suivant le désastre. À Fukushima, seulement une mort due à l’exposition au rayonnement radioactif[32] fut déclarée, mais plus de 2000 personnes sont décédées[33] suite à l’évacuation.
Le risque d’une catastrophe nucléaire signifie que la distance est un élément important à prendre en considération, lorsqu’il est question de construire une centrale nucléaire. Bien que les Canadiens soient moins intéressés à ce qu’une centrale soit en opération près de chez eux, deux répondants sur cinq (43 %) affirment toutefois qu’ils seraient à l’aise s’il y en avait une à 50 km de leur domicile. Ce nombre augmente à trois répondants sur cinq (58 %) lorsque la centrale se trouve à 500 km de leur demeure. De manière générale, la majorité des répondants (59 %) déclarent qu’ils seraient à l’aise si une centrale était en opération dans leur province :
Les résidents des deux provinces où se trouvent actuellement des centrales nucléaires en opération, l’Ontario et le Nouveau-Brunswick, sont beaucoup plus enclins à être à l’aise avec cette idée (74 % en Ontario; 70 % au N.-B.) que mal à l’aise (26 % et 30 %, respectivement). Une majorité d’Albertains (70 %) et de Saskatchewanais (74 %) se disent également à l’aise à l’idée qu’une centrale soit en opération dans leur province. Seuls les Québécois (70 %) et les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador (63 %) sont majoritairement mal à l’aise avec la production d’énergie nucléaire dans leur province :
En raison de son faible taux de population, l’établissement d’échantillons discrets sur plusieurs vagues ne fut pas possible pour l’Île-du-Prince-Édouard. Les données concernant cette province ne sont donc pas publiées.
En 2021, le gouvernement fédéral a adopté une loi[34] pour s’engager à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Le plan d’action du Canada pour y parvenir comprend[35] un objectif de réduction des émissions d’ici 2030, atteignant à un taux de 40 % à 45 % inférieur à celui de 2005.
En 2020, la production d’électricité était la sixième plus importante[36] source d’émissions de gaz à effet de serre du Canada, bien qu’on ait enregistré une diminution importante du taux d’émission dans ce secteur depuis le début du siècle. Selon le gouvernement[37], les émissions de GES provenant de la production d’électricité par combustion ont diminué de 52 pourcent entre 2005 et 2020. On peut attribuer ceci à la baisse de l’utilisation du charbon[38] au pays et au développement de l’énergie renouvelable. À noter, les sources d’énergie renouvelables représentent actuellement seulement 18,9 pourcent de l’approvisionnement énergétique total du Canada[39], ce qui signifie que les sources d’énergie non renouvelables et plus émettrices jouent encore un rôle important au pays.
L’expansion de la production d’énergie solaire (81 %) et éolienne (74 %) reçoit un appui élevé chez les Canadiens. Le soutien envers ces deux initiatives est plus prononcé chez les femmes que chez les hommes.
De manière générale, le développement des initiatives liées aux combustibles fossiles reçoit moins d’approbation de la part du public. Parmi ces sources d’énergie, l’exploitation traditionnelle du pétrole et du gaz est celle qui reçoit le plus de soutien. En effet, la moitié des Canadiens (50 %) sont en faveur de l’expansion de cette source énergétique. Les répondants sont moins enthousiastes lorsqu’il est question de fracturation hydraulique (31 %), également appelée « hydrofracturation », et de l’exploitation du charbon (19 %). L’appui envers l’expansion de tous ces types de combustibles fossiles est plus prononcé chez les hommes que chez les femmes :
[40]
Les répondants ayant voté pour le Parti conservateur lors de l’élection fédérale de 2021 sont plus portés à appuyer le développement des combustibles fossiles que les répondants ayant voté pour un autre parti. Ceux ayant voté pour le Parti libéral, le NPD et le Bloc québécois sont, quant à eux, beaucoup plus favorables aux sources d’énergie renouvelables. Il convient toutefois de noter qu’une majorité d’électeurs ayant voté pour le PCC sont également en faveur du développement de l’énergie solaire (65 %) et que la moitié d’entre eux (53 %) soutiennent l’expansion de l’énergie éolienne :
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L’extraction du pétrole et du gaz représente un important pilier économique en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador. Par conséquent, ces provinces démontrent beaucoup plus d’enthousiasme envers le développement du pétrole et du gaz qu’ailleurs au pays. Les résidents du Québec (55 %) sont les plus susceptibles de s’opposer à l’exploitation du pétrole et du gaz. Ailleurs au pays, l’opinion est plus divisée :
En raison de son faible taux de population, l’établissement d’échantillons discrets sur plusieurs vagues ne fut pas possible pour l’Île-du-Prince-Édouard. Les données concernant cette province ne sont donc pas publiées.
L’Institut Angus Reid a mené une enquête en ligne du 28 novembre au 3 décembre 2022 parmi un échantillon aléatoire représentatif issu d’un groupe de 5030 adultes canadiens membres du Forum Angus Reid[42]. À titre de simple comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille impliquerait une marge d’erreur de +/- 1 point de pourcentage, 19 fois sur 20. Les écarts dans les totaux ou entre eux sont attribuables aux arrondissements. Cette étude a été menée et financée par l’Institut Angus Reid (ARI).
Pour accéder aux résultats par âge, genre, région, éducation et autres éléments démographiques, cliquez ici[43].
Pour lire l’intégralité du rapport, y compris les tableaux détaillés et la méthodologie, cliquez ici[44]. The report is also available in English[45].
Pour consulter le questionnaire de l’étude, cliquez ici[46].
Image – Jason Paris/Flickr
MEDIA CONTACT:
Shachi Kurl, President: 604.908.1693 shachi.kurl@angusreid.org[47] @shachikurl
Jon Roe, Research Associate: 825.437.1147 jon.roe@angusreid.org[48] @thejonroe
Source URL: https://angusreid.org/canada-energy-nuclear-power-oil-and-gas-wind-solar-fr/
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